A pied.

Publié le 2 Juin 2019

Ma voiture est en panne. Je lui en ai fait voir à la Titine... Je me souviens de notre rencontre il y a 7 ans déjà, peu de temps après un accident.

J'avais à l'époque, déjà, une Peugeot 206 grise ; champagne pour être plus précise, couleur trop cool. Les pannes commençaient à se succéder. Je m'entendais souvent dire : "Quand j'aurais des sous, je la changerais." Il valait mieux dire : "Quand elle s'émiettera entre mes mains, je la changerais" car, chaque mois, une dépense impromptue faisait son apparition. 

Cela faisait environ un mois que j'avais accouché du second. J'avais une mine tellement affreuse que même mes baby-locks fuyaient mon visage. Mes dreads étaient de toutes les longueurs et épaisseurs. Elles se tordaient dans tous les sens, fourchues de la racine à la cime. Mon corps qui subissait de plein fouet les effets de l'ocytocine et de la prolactine était impossible à tonifier. Je me sentais mal.

J'avais décidé ce jour-là de profiter de la présence de mes beaux-parents pour me faire une beauté. Mamie était enchantée. Tout le monde m’encourageait (étais-je donc vraiment si laide?) Ils m'avaient promis que tout irait bien, qu'ils avaient élevé trois enfants, que papa serait aussi content de passer du temps avec bébé et se faire la main, qu'il fallait de temps en temps se séparer, penser à la reprise du boulot etc.

Cela faisait tout drôle de reprendre la route seule. 

En ouvrant la porte vitrée du salon de coiffure, l'odeur familière d'encens m'a sûrement fait sourire. La coiffeuse aux dreads bicolores m'accueillit en me demandant l'heure de mon rendez-vous. Elle m'a ensuite offert un siège pour patienter. Il y avait deux coiffeuses et trois clientes. Serviette sur les épaules, la première avait les cheveux qui trempaient dans une mixture à base d’aloès. Une autre finissait ses vanilles. Les nattes à deux mèches entrelacées caressaient ses épaules. La troisième en aurait sûrement pour tout l'après midi. Son paquet d'immenses locks était ramené sur le dessus de son crane. Comme par magie, on voyait chaque mèche se transformer en une impeccable liane entre les mains expertes d'une femme en turban.

J'ai feuilleté quelques minutes un magasine mais le spectacle des coiffures et les conversations étaient tellement plus intéressant. Conseils pour l'entretien des cheveux avec des éléments naturels, actualité, famille les sujets se succédaient.

Les murs orangés étaient ornés de tableaux et de masques africains. Une branche vernie tendait des colliers de graines et de coquillages. Ici des étoles en Wax et là quelques sacs en cuir et en jute.

Mon tour est vite arrivé. La coiffeuse a admiré la pousse rapide de mes cheveux :

- C'est la grossesse qui les fait pousser ! avait-elle dit.

Shampoing, soin, twistage, casque, coiffure. En sortant j'avais bien perdu dix ans. J'étais calme et détendue

Sur le chemin du retour, je pensais à mon gamin, j'espérais qu'il n'avait pas trop brayé et qu'il avait su se passer de moi ou plutôt de mes nichons. J'avais hâte de rentrer et de me le réconforter.

Le fil de mes pensées est alors interrompu par un ralentissement inhabituel sur une route toute droite. Je vois, devant la voiture qui me précède un feu tricolore temporaire en lien avec de discrets travaux. Je m'arrête doucement quand j'entends un grand bruit suivit d'une grosse secousse. Ma tête dodeline comme celle des sujets que l'on voyait avant sur la plage arrière des voitures. L'air bag me frappe le visage et mon siège fait un léger déplacement vers l'avant. Le choc résonne dans mes hanches et mon dos réveillant les douleurs récemment endormies de l'accouchement.

Puis, plus rien. Rien à droite, ni à gauche. Je me demande ce qui s'est passée, tout est presque normal autour de moi. Au rétro, la voiture arrière est un peu trop proche. Je comprends alors qu'elle m'est rentrée dedans. Une tête grisonnante est posée sur le volant. Je descends :

- Monsieur ça va ?

Il bouge il est juste sonné. Il porte des lunettes et doit avoir une soixantaine d'années. Il descends de sa Partner nous constatons les parties complètement défoncées de nos deux véhicules. Il se confond en excuse. Il dit qu'il ne m'a pas vu m'arrêter. Il n'a pas compris. Je me demande s'il ne s'est pas endormi au volant bien qu'il soit environ 16h. Il ne sent pas l'alcool, il est simplement sonné. Un homme, plus jeune sort, de la voiture avant. Il semble contrarié. Il regarde l'arrière de sa voiture. Je m'approche de lui. Il me dit :

- Vous pouvez tout de même regarder devant vous ! Qu'est ce qui s'est passé?

Ma voiture a embouti la sienne.

- Ce n'est pas moi, je me suis arrêtée  derrière vous ! C'est un carambolage !

Nous regardons tous les trois à l'arrière. Le plus jeune ouvre de grands yeux en constatant les dégâts et s'inquiète enfin de nous, il demande s'il doit appeler une ambulance. Je fonds en larmes. Foutues hormones de grossesse. Ils sont désemparés et moi, je veux voir mon bébé. Heureusement personne n'est blessé. Que de la casse.

Ensuite ce fut le jeu des dépanneuse, assurance, mécano, expertise...

Le montant des réparations dépassait la valeur argus de mon véhicule. L'assurance m'a alors versé une petite somme pour changer d'auto.

Après cet accident, je tournais en rond à la maison depuis deux semaines déjà et je devenais cinglée. Mes beaux-parents étaient repartis. J'en avais assez de demander de l'aide pour mes déplacements. Un matin, j'ai mis bébé dans sa poussette et je me suis rendue chez un concessionnaire en bus. Mon père et mon ex-mari voulaient que nous fassions toutes les concessions avant de faire un choix. Il fallait en plus attendre le retour de boulot qui coïncidait avec la fermeture de ces magasins. Je devenais folle. Il y avait toujours un truc qui clochait.

Je me suis donc rendue en bus chez Peugeot, la concession la plus accessible par le bus. J'ai fait le tour, écouté le baratin d'un vendeur et choisi à nouveau une 206 de la gamme au-dessus. Après tout, je n'avais pas été déçue par la précédente. Rapport qualité prix satisfaisant. J'aurais aimé faire preuve d'originalité dans la couleur, la coupe ou autre mais bon. L'autonomie était plus importante.

Je me suis retrouvée dans cet univers capitonné, familier complètement rénové et finalement très satisfaisant... Jusqu'à ces derniers jours !

Rédigé par Sylvie

Publié dans #On s'en fout, #Moi

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